Metamorphosis ... Hyde

[revlan]

HYDE.jpg

[miguelcervantes]

Je vois, Thierry, que tu as promptement donné suite à ma précédente suggestion sur ton dernier fil. Mais je pense que cette nouvelle image dans ta série Metamorphosis n’allait pas tarder à se manifester, de toutes façons.

Le roman DR Jekyll and Mr Hyde, de Robert Louis Stevenson, est à mes yeux le prototype même d’une réflexion sur la « métamorphose » : une œuvre séminale.

Mais à ma connaissance, bien avant, et même depuis les origines de la littérature, les poètes ont évoqué cette « part d’ombre » qui nous habite de même qu’ils ont évoqué la part de lumière en nous : l’Idéal et la nostalgie de l’Eden, les paradis perdus.

Qu’est-ce que la métamorphose? C’est notamment le fait de se découvrir comme un étranger dans l’Univers, dans notre regard ou celui des autres. Qui au cours d’une longue expérience de vie n’a pas eu une telle révélation dans le deuil, la solitude ou l’isolement?

Ta présente photo me semble s’inscrire parfaitement dans ta série Metamorphosis et dans ton univers.

Comme toujours, comme tous les poètes, tu restes loin de toute description du monde historique, optique et physique. Tu nous invites à un voyage dans l’imaginaire, en dehors de l’espace et du temps cartésiens. Tu questionnes les repères historiques et spatio-temporels.

Une telle approche de la photographie me semble bien rare ici sur RP et, de ce fait, d’autant plus intéressante dans la mesure où elle contribue à la diversité des regards.

Ton approche de la photographie me semble à la fois poétique, onirique, dramatique, tragique et humaniste. J’y entends notamment des échos qui viennent du fond des âges, aussi bien chez Sophocle (environ 500 ans avant notre ère) que chez Shakespeare (1564-1616) jusqu’à nos jours avec des artistes tels que Kafka et Camus sans parler du peintre Gauguin avec son chef-d’œuvre intitulé « D’où venons-nous? Que sommes-nous? Où allons-nous? »

Voilà certes bien des mots pour toi qui est bien économe de mots. Tu laisses parler tes images. Elles me parlent. Elles ont en moi des résonnances. Tu nous invites au voyage. Je voyage avec toi et, à travers mes mots, je fais le récit de mon voyage.

J’embarque dans ton navire tout comme dans celui d’Ulysse, lancé dans un passé immémorial à la découverte de nouveaux horizons : un voyage intérieur.

J’aime ces fenêtres que tu ouvres dans ma maison. Et ce n’est pas d’aujourd’hui, car je te suis ici sur RP depuis plus d’une dizaine d’années et je constate que ton regard, sans cesse renouvelé, témoigne d’une grande cohérence et d’une nécessité intérieure.

François

[Dmargeur]

Peut-être un humain tentant d'échapper au piège de cette toile par des métamorphose successives ...
Un peu de mythologie...

[Claudius]

Au secours, je crois que cette image s'est emparée de mes peurs profondes ...

[miguelcervantes]

Au secours, je crois que cette image s'est emparée de mes peurs profondes ...

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Vous n’êtes sûrement pas le seul, Claudius.

L’ensemble de cette série intitulée « Metamorphosis », comme bien d’autres séries de Revlan, me parle de l’ « inquiétante étrangeté », tout comme le roman de Kafka dont elle s’inspire ainsi que les histoires extraordinaires d’Edgar Allan Poe, le film « L’exorciste » ou la nouvelle de Maupassant intitulée « Le Horla » :

« Qui n’a jamais rencontré ce sentiment étrange et effrayant dans quelque situation pourtant familière ? Quelque chose alors dépasse le sujet, quelque chose qui vient d’ailleurs, d’un Autre qui impose son obscure volonté...

L’inquiétante étrangeté, c’est quand l’intime surgit comme étranger, inconnu, autre absolu, au point d’en être effrayant. L’article de Freud, écrit en 1919, en fait une description, puis déploie les situations susceptibles de la provoquer. » -- https://shs.cairn.info/revue-lettre-de- ... 21?lang=fr

Pourquoi Revlan, d’une série à l’autre, d’une image à l’autre, évoque-t-il l’inquiétante étrangeté? On pourrait poser la même question à bien des auteurs, notamment ceux que je mentionne ci-dessus. Que répondraient-ils? Ils répondraient peut-être que c’est parce qu’un tel sentiment les habite et qu’il cherche à se dire. Un tel sentiment, d’ailleurs, me semble se manifester au cours d’une vie dans l’expérience vécue de tout un chacune, notamment lorsque notre psychisme est confronté à des puissances intangibles qui échappent à notre contrôle.

Telle me semble être le nerf, la racine de l’épouvante, comme en témoigne avec éloquence la nouvelle de Maupassant intitulée « Le Horla ».

Je pense qu’évoquer dans un récit ou une œuvre ce sentiment d’inquiétante étrangeté, c’est une manière de sortir de l’isolement, comme un cri :

munch-cri.jpg

https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Cri

François

[CNI]

Tellement inquiétant! L'effet est saisissant!

[miguelcervantes]

Il m’a fallu bien du temps pour comprendre ce que je voyais ici, Thierry.

C’est un porc dans une soue à cochons vu au travers d’une toile d’araignée.

Tel était en effet Mr Hyde et pire encore.

François

[bozart]

Il m’a fallu bien du temps pour comprendre ce que je voyais ici, Thierry.

C’est un porc dans une soue à cochons vu au travers d’une toile d’araignée.

C’est ce quej’ai vu en premier : comme quoi c’est très différent selon qu’on aborde une photo avec ce que l’on imagine ou avec ce que l’on voit.
Interpréter systématiquement rend possible la bascule dans des univers personnels ou idéologiques dont je me méfie grandement.

[miguelcervantes]

Il m’a fallu bien du temps pour comprendre ce que je voyais ici, Thierry.

C’est un porc dans une soue à cochons vu au travers d’une toile d’araignée.

C’est ce quej’ai vu en premier : comme quoi c’est très différent selon qu’on aborde une photo avec ce que l’on imagine ou avec ce que l’on voit.
Interpréter systématiquement rend possible la bascule dans des univers personnels ou idéologiques dont je me méfie grandement.

Voilà un bien intéressant questionnement, Bozart.

Je t’avoue qu’au premier regard le sujet représenté ne m’est pas apparu.

Ce que je crois constater, c’est que dans l’œuvre de Revlan, le sujet représenté est sans intérêt. Si l’on s’y limite, on ne verra rien de ce que Revlan veut faire voir ou plus exactement « évoquer ».

Bref, il ne s’agit pas ici d’une photo d’un cochon mais de l’évocation d’un personnage imaginaire appelé Hyde, créé au XIXe siècle par un romancier nommé Robert Louis Stevenson. C’est ce que j’ai vu en premier, et c’est à mon avis ce que l’auteur a voulu évoquer. Je suis d’emblée entré dans un mirage habilement construit par Revlan.

Ce qui entre autres caractérise à mes yeux la production photographique de Revlan, c’est un constant souci de bousculer nos repères visuels et notre regard. Ce faisant, il ne nous parle jamais du monde physique, naturaliste ou historique, mais toujours du monde imaginaire qui nous habite. Il nous parle d’échos, de résonnances, de consonances, de correspondances.

Je suis fasciné par l’Univers de Revlan, à tout le moins unique ici sur RP.

Bravo, Thierry

François

[Lulu]

à aucun moment j'ai vu ce cochon , bien évidemment , après le com de François , c'est évident , c'est un cochon, j'y ai vu une sorte de sorcier bizarre avec une capuche qui étendait les bras ...Bref , je me suis bien fait avoir, et je suis bien bluffé Sacré Rêve Lent il serait facile de dire que j'avais vu au premier coup d'oeil, mais je serai un gros menteur

[bozart]

Ce que je crois constater, c’est que dans l’œuvre de Revlan, le sujet représenté est sans intérêt. Si l’on s’y limite, on ne verra rien de ce que Revlan veut faire voir ou plus exactement « évoquer ».
[...]
Ce qui entre autres caractérise à mes yeux la production photographique de Revlan, c’est un constant souci de bousculer nos repères visuels et notre regard. Ce faisant, il ne nous parle jamais du monde physique, naturaliste ou historique, mais toujours du monde imaginaire qui nous habite. Il nous parle d’échos, de résonnances, de consonances, de correspondances.

Oui je comprends. Mais ce qui me gêne en fin de compte, c'est ce "nous" englobant.
Ce n'est pas une photo qui bouscule mon regard ou mes repères. Les résonnances, correspondances, etc, sont ici pour moi bien plus importantes par rapport au sujet (= l'animal, ici).

Je m'intéresse de façon plus enthousiaste à ce qui est non-humain qu'à ce qui l'est : logique que je voie d'abord l'animal. L'humain est plus que lassant par un ego partout à l'oeuvre et qui domine - et le plus souvent déforme et détruit - tout le reste.
Il y a énormément de choses à voir et à comprendre dans cette animalité, dans les rapports fondamentaux que les humains ont avec cette animalité.

[miguelcervantes]

à aucun moment j'ai vu ce cochon , bien évidemment , après le com de François , c'est évident , c'est un cochon, j'y ai vu une sorte de sorcier bizarre avec une capuche qui étendait les bras ...Bref , je me suis bien fait avoir, et je suis bien bluffé Sacré Rêve Lent il serait facile de dire que j'avais vu au premier coup d'oeil, mais je serai un gros menteur

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Encore une fois, mon cher Lulu, je te remercie de ton commentaire franc qui rejoint mon expérience et mon ressenti.

Je ne suis donc pas seul ici à ne pas avoir vu au premier coup d’œil ce qui est représenté dans cette photo.

Je maintiens que Revlan cherche délibérément à ouvrir des espaces sur l’imaginaire au-delà des sujets représentés. Il me semble à cet égard unique en son genre ici sur RP.

Comme tu l’as souvent dit, Lulu, les photos de Revlan sont souvent dérangeantes, perturbantes, voire incompréhensibles.

Il a été dit souvent sur les fils de Revlan que ses images fermaient des fenêtres. Moi, je pense qu’au contraire elles en ouvrent.

La série de Revlan intitulée « Spleen et Idéal », notamment, me semble avoir parfois été mal comprise. Un commentateur a dit qu’il y voyait le Spleen mais non pas l’Idéal. Revlan, poète qu’il est, a répondu en quelques mots : « Regarde par la fenêtre ».

Le simple fait de s’exprimer dans des œuvres d’art est toujours à mes yeux une ouverture sur un idéal témoignant d’un désir, d’une volonté de briser le mur du silence et de sortir de l’isolement.

Parler de l’inquiétude, de l’inquiétante étrangeté, y compris de l’angoisse existentielle, comme l’ont fait notamment le philosophe Heidegger et d’autres avant lui et après lui, mettons Kierkegaard, Sartre et Camus, parmi bien d’autres depuis les origines de l’art et de la poésie, cela me semble aller dans le sens d’un regard honnête, humain et humaniste.

« L’homme, disait le penseur Blaise Pascal (1623-1662) n’est ni ange ni bête. Le malheur veut que qui veut faire l’ange fait la bête. »

Bravo Thierry et merci à Lulu pour son commentaire franc et pertinent.

François

[Siphone de Bonsoir]

Wow! Mais c'est de la magie!...
Je n'avais rien vu avant de parler avec François.

Chapeau, quel coup de maître.

sb

[Siphone de Bonsoir]

Once you see it, you cannot un-see it...

sb

[Bib]

C’est même pas drôle, j’ai vu le cochon sur la vignette avant même d’ouvrir la photo…. L’esprit artistique, c’est pour les autres?

Ceci dit, elle dégage un côté franchement inquiétant! C’est bien vu, et bien réalisé!

[Gadenne]

Les Mystères de Maître Revlan sont dans chacune de ses créations , ses photographies sont des poèmes qui laisse à rêver même si pour certain il faut expliquer pour moi je laisse l'image faire son chemin dans mes propres rêves ....
Et comme toujours les commentaires sont très instructifs constructifs imaginatifs et parfois polémiques , ce qui est rare ici sur RP et pas toujours bien accepté par les modérateurs ... dommage !
Merci pour ce partage

[revlan]

Beaucoup d’interrogations à la première vision de ma photo et beaucoup de retours dont je vous remercie…

[miguelcervantes]

Beaucoup d’interrogations à la première vision de ma photo et beaucoup de retours dont je vous remercie…

J’aime les photos et les œuvres d’art qui interrogent et se prêtent à différents regards, Thierry.

En l’occurrence, plusieurs membres ici, Lulu, Siphone et moi, n’avons au premier regard pas vu le cochon. Mais d’autres l’ont vu tout de suite, et cela même dès la vignette.

Comme dit Siphone, ci-dessus, une fois qu’on a vu le cochon, on ne peut plus ne pas le voir : « Once you see it, you cannot unsee it ». C’est tout à fait exact.

Pourquoi certaines personnes voient-ils dans cette photo a priori un cochon alors que d’autres comme Lulu y voient l’ombre d’un spectre menaçant?

Je n’en sais rien. Il faudrait sans doute interroger les psychologues à ce sujet.

Bib, ci-dessus, suggère que s’il voit tout de suite le cochon, c’est parce qu’il n’est pas un artiste. Je pense au contraire que Bib est un artiste.

Alors quoi? Pourquoi?

Il y a à mon avis dans cette photo, y compris bien d’autres des tiennes, des questions qui se posent, des énigmes, des mystères. De telles questions, énigmes et mystères me semblent faire partie de ce que nous appelons aujourd’hui l’Art.

Un grand dramaturge, Anton Tchekhov, a écrit un jour que ce qui fait l’intérêt d’une œuvre d’art, ce n’est pas la réponse qu’elle apporte mais la question qu’elle pose.

À méditer.

François