Cette photo fait partie d’une série de portraits de rue sur le vif que j’ai faits il y a une vingtaine d’années à une époque où les lois sur le droit à l’image n’existaient pas en Ontario (Canada), en l’occurrence la ville d’Ottawa, là où j’ai pris cette photo. Mes sujets ne posent pas. En général, ils ne sont même pas conscients de ma présence. Ce sont des inconnus pour moi tout comme je le suis pour eux.
J’ai dans cette série eu pour souci de transformer mes sujets en des personnages du passé, parfois mythiques ou imaginaires, comme en témoignent de nombreuses photos de ma galerie sur RP.
Ici, mon sujet, une personne inconnue de moi, est devenue « Antigone », un personnage mythique mis en scène notamment par le tragédien grec Sophocle.
Antigone est une femme éplorée. L’un de ses frères vient d’être tué et l’État, le roi, lui refuse une sépulture pour des raisons politiques. Antigone veut donner une sépulture à son frère et tente de l’inhumer, à l’encontre de la volonté du roi. Au vu de cet acte subversif, le roi la condamne à être emmurée vivante jusqu’à ce que mort s’ensuive.
J’ai pris cette photo un peu au hasard. Je l’ai retenue en raison de l’impression d’affliction, de détresse, voire de deuil qui s’y exprime. D’où mon choix du titre « Antigone ».
L’idée de mettre le présent en relation avec le passé et avec le monde de l’art, d’associer l’instant à la longue durée, la réalité à l’imaginaire, m’a toujours semblé intéressante. Une telle approche me semble assez rare en photographie, du moins ici sur RP.
Depuis l’adoption des nouvelles lois sur le droit à l’image, je sors rarement mon appareil-photo du périmètre de mon logis. J’essaie d’y trouver de nouveaux usages en accord avec mon ressenti et mon regard.
Du point de vue technique, je n’ai rien ajouté ni supprimé dans cette photo : aucune superposition d’images, aucun effacement de détails signifiants.
Au niveau du post-traitement, j’ai travaillé le cadrage, la lumière et la couleur. J’ai flouté l’ARP et ajouté un léger grain (que seuls les photographes aguerris pourront déceler en agrandissant l’image sur leurs écrans) dans l’unique but d’éclaircir un peu les noirs profonds.
Voilà encore bien des mots. J’aime les mots. Et je constate leur puissance.
À vous maintenant de parler avec vos mots.
Au plaisir de vous lire.
François
