Ce que j’apprécie entre autres dans tes photos, Thierry, c’est qu’elles me paraissent souvent sinon toujours comme une forme d’écriture plastique : un agencement de signes, de symboles, qui interpelle. En cela, tu es à mon avis unique sur RP.
Tu me sembles interroger non seulement le regard du spectateur, mais le regard en soi : Que voyons-nous? Qu’est-ce qu’une photo? Qu’est-ce qu’un tableau? Qu’est-ce qu’une œuvre d’art?
Tes photos me parlent de résonnances intimes dans notre imaginaire, de ces moments de grâce, évoqués notamment par le philosophe Martin Heidegger, où nous sommes subjugués par des puissances qui dépassent nos horizons. Pour Heidegger, ce sont des « éclaircies », comme ces clairières qui parfois s’ouvrent dans une forêt.
Tout comme Charles Baudelaire, et comme toi sans doute, je crois qu’en tant qu’êtres humains, nous voyageons à travers une « forêt de symboles » :
« La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies
- Et d’autres, corrompus, riches et triomphants.
Ayant l’expansion des choses infinies,
Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
Qui chantent les transports de l’esprit et des sens. »
Ch. Baudelaire, Correspondances, in Les Fleurs du Mal
François
