Les paradis perdus ...

[revlan]

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[miguelcervantes]

Comme toujours, une admirable gestion des ombres et des lumières dans ce beau NB, Thierry. J’admire.

Comme toujours, il y a ici une ouverture, une fenêtre.

Comme toujours ou en tout cas souvent, le sujet, la chose photographiée, est énigmatique.

Les choses que tu photographies ne me semblent avoir d’intérêt à tes yeux que dans la mesure où elles font écho à ton âme.

Je dis « choses », parce que la présence d’êtres réels et corporels me semble bien rare dans ton iconographie, à l’exception de rares autoportraits d’allure spectrale.

En dehors de ces rares autoportraits, je ne connais de toi aucun portrait.

La raison me semble en être que comme bien des poètes, tu cherches à évoquer un monde intérieur, au-delà des apparences.

Tes photos, notamment ta série des Paradis perdus, me parlent d’exil et de solitude. En ce sens, elles me semblent rejoindre un ressenti universel. Je te vois comme un photographe humaniste.

Voici une belle chanson qui me parle de toi, de moi, de Baudelaire et de bien d’autres :

https://www.youtube.com/watch?v=h9-OzSzCDWo

François

[miguelcervantes]

En l’occurrence, il me semble que c’est un plan horizontal que tu as redressé à la verticale pour en faire quelque chose comme l’Arbre aux fruits défendus.

François

[Bib]

Le rendu, l'ambiance, le format et le monochrome sont de qualité.
Le sujet me touche moins. Moins vivant.
Avec un peu de recul, la boule de lumière fait apparaître la forme d'une pomme. C'est intéressant.

[miguelcervantes]

Avec un peu de recul, la boule de lumière fait apparaître la forme d'une pomme. C'est intéressant.

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J’ai vu ici non pas une pomme mais l’arbre aux fruits défendus, comme dans les récits mythiques, souvent assimilé à un pommier.

C’est à mon avis à dessein et intuitivement que l’auteur de cette photo a redressé à la verticale cette image de plantes aquatiques pour évoquer l’arbre originel dont la consommation des fruits marque l’expulsion du Paradis, de l’Eden.

Le thème des Paradis perdus est omniprésent dans l’œuvre de Revlan, alias Nerval, Thierry de son nom.

C’est aussi un thème majeur dans l’histoire de la littérature occidentale depuis au moins un demi-siècle avec ce poème de Milton intitulé « Paradise Lost ».

Le thème des Paradis Perdus me semble hanter non seulement l’œuvre de Shakespeare, mais aussi la tradition dont il s’inspire et qui remonte bien loin en arrière, 2000 ans plus tôt, à l’époque des tragédies grecques de Sophocle, sinon encore bien avant avec l’Odyssée d’Homère.

Récemment, au XXe siècle, un peintre célèbre, Paul Gauguin, a intitulé son chef-d’œuvre : « D’où venons-nous? Que sommes-nous? Où allons-nous? »

Ce sont à mon avis de telles questions que posent les admirables photos de notre ami Revlan.
Dans toute leur « sombritude », elles ouvrent toujours des fenêtres sur un ailleurs.

Et cet ailleurs, c’est nous, c’est notre humanité, notre condition humaine en tant qu’ange déchu qui se souvient des cieux, selon le mot de Blaise Pascal.

Que dire par exemple d’un recueil séminal tel que « Les Fleurs du Mal » de Charles Baudelaire »?

Voici le poème liminaire des Fleurs du mal de Baudelaire, intitulé « Au lecteur » :

La sottise, l'erreur, le péché, la lésine,
Occupent nos esprits et travaillent nos corps,
Et nous alimentons nos aimables remords,
Comme les mendiants nourrissent leur vermine.

Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches ;
Nous nous faisons payer grassement nos aveux,
Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux,
Croyant par de vils pleurs laver toutes nos taches.

Sur l'oreiller du mal c'est Satan Trismégiste
Qui berce longuement notre esprit enchanté,
Et le riche métal de notre volonté
Est tout vaporisé par ce savant chimiste.

C'est le Diable qui tient les fils qui nous remuent !
Aux objets répugnants nous trouvons des appas ;
Chaque jour vers l'Enfer nous descendons d'un pas,
Sans horreur, à travers des ténèbres qui puent.

Ainsi qu'un débauché pauvre qui baise et mange
Le sein martyrisé d'une antique catin,
Nous volons au passage un plaisir clandestin
Que nous pressons bien fort comme une vieille orange.

Serré, fourmillant, comme un million d'helminthes,
Dans nos cerveaux ribote un peuple de Démons,
Et, quand nous respirons, la Mort dans nos poumons
Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes.

Si le viol, le poison, le poignard, l'incendie,
N'ont pas encor brodé de leurs plaisants dessins
Le canevas banal de nos piteux destins,
C'est que notre âme, hélas ! n'est pas assez hardie.

Mais parmi les chacals, les panthères, les lices,
Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents,
Les monstres glapissants, hurlants, grognants, rampants,
Dans la ménagerie infâme de nos vices,

Il en est un plus laid, plus méchant, plus immonde !
Quoiqu'il ne pousse ni grands gestes ni grands cris,
Il ferait volontiers de la terre un débris
Et dans un bâillement avalerait le monde ;

C'est l'Ennui ! - l'oeil chargé d'un pleur involontaire,
Il rêve d'échafauds en fumant son houka.
Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat,
- Hypocrite lecteur, - mon semblable, - mon frère !

Voici enfin un autre poème tiré du même recueil :

Elévation

Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,

Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,
Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.

Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ;
Va te purifier dans l'air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.

Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins ;

Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
- Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes !

Charles Baudelaire - Les Fleurs du mal

François

[revlan]

En l’occurrence, il me semble que c’est un plan horizontal que tu as redressé à la verticale pour en faire quelque chose comme l’Arbre aux fruits défendus.

François

Bien vu François …
Merci à toi et merci à ceux qui passent ici …

[roméo]

j'ai mis un temps a comprendre que c'etait des feuilles de nénuphars , top

[miguelcervantes]

j'ai mis un temps a comprendre que c'etait des feuilles de nénuphars , top

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Moi aussi, Éric. J’avoue que c’est mon amie Siphone de Bonsoir qui me l’a dit. Bien vu, Siphone

Cela dit, les photos de Revlan sont toujours à mes yeux des mises en question de notre regard.

Dans toute leur « sombritude », elles comportent toujours pour moi une fenêtre ouverte sur un dépassement de notre regard et de nos horizons.

Telle est la Poésie.

Être poète, c’est pour moi entre bien d’autres choses, questionner notre regard et ouvrir des fenêtres sur l’inconnu, cela depuis les origines de la Poésie en Occident avec cette œuvre séminale qu’est l’Odyssée d’Homère.

Mes hommages à Revlan

François