Gadenne a écrit : Et j'ai en projet une presentation du même type sur le "Polytyque du jugement dernier " de Rogier Van-der-Weyden" qui est aux hospices de Beaune et que j'ai pu photographier en long et en large dans les années 90 en moyen format (Blad) et à la chambre (chambre linhof technika 4x5) plus de 200 PDV.
vous pouvez d'ailleurs en voir un diaprama sur mon site
c'est ICI :
https://gadenne.net/accueil/slide-show-polyptique-beaune-24-min/
Merci, Denis, pour le partage de ce lien
J’ai apprécié ce diaporama qui est en quelque sorte une exploration attentive d’un chef-d’œuvre du peintre flamand Rogier Van der Weyden, le Retable de Beaune, une œuvre magistrale datant du milieu du XVe siècle.
J’encourage tous les Rpéens et Rpéennes à le visionner. De belles découvertes!
Tes photos ici me semblent souvent de meilleure qualité que les reproductions qu’on voit sur le Net
Je suis émerveillé notamment par la minutie du peintre, ce que tes photos me révèlent : son travail sur la lumière, les matières et les textures. Une telle œuvre, dans ses grandes dimensions, a dû lui demander peut-être un an de travail assidu.
Tes photos ici me font aussi bien voir le travail du temps : un vaste réseau de fines craquelures qui se diffuse sur l’ensemble des volets de ce polyptique.
Cette œuvre de Van der Weyden, comme bien d’autres de la même époque (milieu du XVe siècle), me semble témoigner d’une transition entre l’ordre gothique et l’ordre renaissant. Les formes et proportions du corps humain, par exemple, y sont rarement respectées, contrairement à ce qui est le cas dans bien des tableaux et sculptures de la Renaissance, mettons le David de Michel-Ange. Les figures humaines ou angéliques me semblent se rapprocher beaucoup de celles des statues de la cathédrale de Chartes, par exemple. Par contre, on y sent une volonté de réalisme, notamment au niveau de certaines expressions faciales, ce qui est absent dans la statuaire de Chartes . Et cela va parfois jusqu’à l’expression de la laideur, dans le cas par exemple des représentations de damnés :
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- weyden-laideur.jpg (107.95 Kio) Consulté 41 fois
Voilà du nouveau!
À ma connaissance, c’est le peintre italien Giotto di Bondone (1266-1337) qui a introduit les expressions faciales en peinture. Pour être précis, je dirais « réintroduit », car les sculpteurs grecs de l’époque hellénistique l’avaient déjà fait près de 2000 ans plus tôt.
Comment expliquer que l’intérêt des artistes pour les expressions faciales, y compris le réalisme ou naturalisme, se soit éclipsé pendant plus de mille ans? C’est une très bonne question à laquelle je n’ai pas de réponse catégorique. Ce sont des historiens, notamment Philippe Ariès, et des philosophes-historiens, notamment Hegel, qui m’ont fourni des éléments de réponse.
Au vu de mes lectures, j’ai tendance à croire que le souci de réalisme en Art est tributaire du souci de soi en tant qu’individu versus en tant que membre d’une collectivité. Dans nos sociétés modernes, ici en Occident, c’est essentiellement depuis la Renaissance que s’est développé le souci de soi en tant qu’individu. Auparavant et pendant des siècles la religion, très influente, enseignait « l’oubli de soi » et le « dévouement pour les autres et la communauté». Cela pourrait expliquer notamment pourquoi les artistes du Moyen-âge signaient rarement sinon jamais leurs œuvres.
Il existe notamment un célèbre tableau qui, en soi, me semble témoigner du « virage ». C’est le célèbre portrait des époux Arnolfini parJan van Eyck, qui inclut très visiblement ces mots, en latin : « Johannes van Eyck fuit hic ». En français : « Jean van Eyck était ici. »
Une chose tout aussi remarquable à mon avis, c’est que les Grecs de l’Antiquité ne me semblent jamais avoir eu le souci de représenter les traits d’une personne particulière. Ce sont leurs successeurs, les Romains de l’Empire, qui ont eu ce souci. Et ce souci des Romains me semble avoir longtemps disparu avec l’effondrement de l’Empire, comme en témoignent les artefacts qui ont survécu, pour ensuite renaître aux alentours de la Renaissance.
Comme l’a dit le philosophe allemand Hegel dans son Esthétique, l’Art au Moyen-âge, ici en Occident, était essentiellement symbolique : aucune personne réelle n’y était représentée de manière naturaliste. Les artistes, à cette époque, s’en tenait à des symboles. À ma connaissance, nous n’avons aujourd’hui aucun portrait réaliste ou émotif d’aucune personne, datant du Moyen-âge.
Ce sont des artistes, comme ici Rogier Van der Weyden, qui ont réintroduit en Art, notamment en peinture, le souci du réalisme et de l’individualité, en l’occurrence ici, dans le Retable de Beaune, avec la figuration des donateurs dans un souci réaliste.
Un grand précurseur me semble avoir été Giotto di Bondone :
Je note aussi que le souci de l’individualité s’est accentué en Occident depuis la Renaissance avec notamment le courant dit romantique.
Le courant romantique, qui a influencé tout ce qui s’est créé en Art par la suite ici en Occident, y compris l’Impressionnisme et l’Expressionnisme, me semble avoir introduit un thème nouveau cher à nos poètes : la Solitude.
À ma connaissance, ni Homère, ni Virgile, ni même Shakespeare ou Molière, n’ont jamais abordé ce thème, bien qu’ils aient abordé le thème de l’isolement.
Un ami poète un jour m’a demandé si je faisais une différence entre la solitude et l’isolement. Je n’ai pas su quoi lui répondre.
Aujourd’hui, je dirais que l’isolement est un choix ou une contrainte alors que la solitude est un sentiment, un sentiment qui se manifeste dans certaines circonstances de la vie.
François
