Voilà une approche de la photographie très audacieuse qui s’éloigne beaucoup du réalisme et du naturalisme. J’y sens l’influence du fauvisme et de l’art abstrait. De telles photos sont très rares ici sur RP. On ne les retrouve jamais sur le forum critique. Elles me semblent relever d’une approche expérimentale.
Parmi les quelques membres du site qui explorent le picturalisme et l’abstraction, il y a notamment Goliath et Bozart. Il serait intéressant d’avoir ici leurs avis.
L’appréciation objective de telles photographies m’est très difficile.
Pour ma part, j’apprécie l’expérimentation, l’originalité et l’audace
À mon avis subjectif, c’est la « musique » (rythme, harmonie et mélodie) qui ne se fait pas entendre dans la présente photo, contrairement à bien des tableaux fauvistes et abstraits. L’avis de Goliath, qui est musicien de profession, sera à ce sujet plus fiable que le mien.
Je note que les tableaux fauvistes, par exemple, héritiers du courant impressionniste, tendent à privilégier les couleurs pures et à faire l’économie des noirs et des gris. En l’occurrence, la plage grise incluse dans la partie haute de l’image me chagrine.
Je crois noter aussi que, contrairement à bien des tableaux fauvistes ou abstraits, l’image ne me semble pas contenue dans le cadre. Impression qu’il s’agit d’un détail d’une image plus grande.
Très subjectivement, je vois un tableau, d’un point de vue esthétique, comme un microcosme, une entité cohérente et autonome : un petit univers en soi qui se révèle et se déploie dans un espace pictural cohérent et autonome.
L’histoire de l’impressionnisme en peinture, dont le fauvisme est l’héritier, me suggère que ce courant artistique tient essentiellement à un souci de construire un tableau uniquement par la couleur et la lumière. L’influence de ce courant artistique a été de très grande ampleur. Elle me semble avoir conditionné toute l’histoire de la peinture moderne, depuis Monet et Renoir, en passant par Cézanne, Gauguin, Van Gogh, Derain et bien d’autres, y compris Picasso, pour enfin s’ouvrir sur l’espace de l’abstraction.
L’impressionnisme me semble avoir été en grande partie une réaction contre l’Académisme du XIXe siècle. Il s’agissait alors à mon avis essentiellement de « faire chanter » la lumière et la couleur, à l’encontre des tableaux académiques qui privilégiaient alors une approche naturaliste et descriptive se réclamant notamment de la « couleur locale ». Pour les impressionnistes, l’important était à mon avis la cohérence de la lumière et de la couleur, d’un point de vue non pas naturaliste mais esthétique.
L’histoire de l’art occidental me semble aussi être l’histoire d’une continuelle déconstruction de l’image, opposant un regard à un autre. Je pense qu’on pourrait parler d’une « révolution permanente ».
À l’impressionnisme s’est notamment opposé un autre courant artistique appelé « constructivisme » à mon avis issu essentiellement de la révolution soviétique. Le constructivisme, y compris le suprématisme de Casimir Malévitch, me semble caractérisé par une grande austérité, notamment l’absence de sensualité.
L’idéal impressionniste de séduire par le chant de la lumière et de la couleur me semble avoir ici été abandonné. En témoigne notamment cette œuvre séminale de Malévitch intitulée « Carré blanc sur fond blanc ». Une telle œuvre révolutionnaire invite notamment à faire table rase de toute l’histoire de l’art afin de construire un monde nouveau. C’est un cri. Il y a bien longtemps, quand j’étais étudiant à l’Université, dans le cadre d’un cours sur l’histoire de l’art, j’ai commenté cette œuvre dans un travail scolaire du point de vue de son caractère révolutionnaire. Mon travail a été bien reçu.
Qu’est-ce que l’Art?
J’ai tendance à croire que c’est essentiellement ce que nous en faisons et considérons comme tel.
Reste que ma subjectivité et ma sensibilité me portent à croire qu’il n’y a pas de beauté sans musique : rythme, harmonie et mélodie.
Quant à savoir si l’Art doit nécessairement exprimer la Beauté, c’est une question très intéressante. Ne serait-ce pas là une forme de dogmatisme?
En l’occurrence, la photo présentée ici ne me séduit pas, non plus que le Carré blanc sur fond blanc de Malévitch.
Ce que j’admire ici, tout comme dans le Carré blanc sur fond blanc, c’est qu’elle interroge notre regard et nos horizons.
Au plaisir de prochaines rencontres et discussions ici sur RP.
François
